Pardon... Excusez-moi. Excusez-moi...
Oups, désolé. Pardon... Pardon. Excusez-moi madame... Oups !
Pardon. Excusez-moi. Paaardon ! Pardon... Ex... pardon... Après
vous, allez-y. Ce n'est rien. Pardon.
Mouais. J'ai beau lui avoir demandé
pardon avec mon plus beau sourire navré, ça crève les yeux :
madame a mal pris que je lui vole la priorité. J'aurais peut-être
dû la rattraper pour lui demander son adresse tiens, histoire de lui
envoyer une rose d'excuse, à la médiévale. Quoique ça l'aurait
peut-être plus offensée encore. Ça se fait toujours ça
d'ailleurs, l'excuse par la rose ?
Putain Philippe, c'est seulement
maintenant que tu m'appelles. Du stress dans ma voix ? Non y'a
rien. C'est juste un peu soûlant de poiroter à moins deux degrés,
à l'heure et l'endroit précis où tu m'as juré que tu serais pour
me rendre ces fichues clés. Tu faisais quoi au fait pour pas
répondre à mes appels ? Quoi ?
Je me réveille à cinq heures et
quelques, sans comprendre pourquoi Philippe, à qui je n'avais pas
pensé depuis la fête de Leila, genre 2007, venait s'incruster dans
mes songes entre deux bousculades sur les tapis roulants des Halles.
Un refoulé de quoi ? Tu m'as déjà vu refouler, toi ?
Quand je te dis que j'ai la flemme d'aller acheter le pain dimanche
matin, je refoule ? Je refoule quoi ? Mon appétit pour les
longues mains fermes et halées de la boulangère d'Henri Barbusse ?
Je file, Guignol va m'en vouloir de
tarder. Tu boudes toujours ? Pas de bécot ? J'me disais
bien. Ouais ouais, tu m'as encore fait peur. Kiss.
Okay. Tu rêves une fois d'un
gars plutôt bonnard qui t'a posé plein de questions lors d'une
vague soirée, donc tu refoules. Genre quoi, le type serait une
projection de mon moi profond, l'habitant muet de mon esprit endormi,
pour ne pas dire mes désirs en sommeil ? Que calor, que
calor... Ah ah ! Pourquoi ils m'ont maté comme ça, les
jeunes là ? Je parle en marchant, c'est ça ? Putain de
cerveau. Ils ont quoi à regarder les gens aussi ?
Pas grand monde ce matin. Traçons sur
la roulette sans excuses.
Ça va et toi ? T'as vu, je fais
des efforts, seulement deux minutes de retard ! On va en
intérieur plutôt ? Début de crève... Après toi.
Non mais au-delà de Philippe, c'est le
fait de rêver des tapis roulants des Halles qui me travaille. Tu me
connais, je suis pas trop dans le délire interprétations,
symbolisme, tout ça, d'ailleurs je suis jamais sûr d'avoir vraiment
rêvé de ce que je dis. Mais ça, le truc des tapis roulants des
Halles, je te jure que ça fait mais genre des semaines que ça
me travaille. Et tu vois, c'est pas le truc apaisant genre tu te
rapproches du bout alors tu franchis un nouveau pas, ta vie d'homme
commence, etc. Non. Tu bouscules et te fais bousculer. Par des gens
que t'as peut-être croisés pour de vrai en plus. Pardon, pardon,
pardon, excusez-moi... C'est quoi qui te fait marrer ? Bah
ouais, je dis pardon aussi dans la vraie vie. Sauf quand tu me
demandes de venir boire un café le dimanche à 10h. Là, tu me crois
ou pas, pas nécessaire d’être poli. Le monde circonscrit par le
tapis est à moi pour trois minutes. Je ralentis même le pas. Je
m'accoude sur... on dit la rampe, c'est ça ? La rampe du tapis
roulant ouais. C'est un peu dans la logique de l'escalator, donc
c'est bien une rampe. Je m'accoude sur la rampe, léger, en pensant
presque à rien, ce qui n'est pas rien... Hé hé. Je regarde
quelques secondes derrière. Seulement deux personnes à facile dix
mètres, pas plus pressées que moi. Sur le tapis parallèle, niente,
personne. Relay fermé, pas de contrôleur. C'est dimanche.
Donc c'est fixé le planning de tes
interventions radio ? Trois fois par semaines, c'est pas mal déjà.
Plutôt bien rémunérées je suppose, c'est chez Dechavanne quand
même, il bosse pas pour des prunes lui, si ? Marre-toi, ducon !
Bah écoute oui, j'ai une logique sans faille. Plus rationnel tu fais
pas ! Non, sérieux, je suis super content pour toi. Moi, tu
sais, tout ce qui est prise de parole publique, ça me file de
l'urticaire. Je respecte, c'est pas ça. Mais l'idée que des gens
puissent penser quelque chose de ma voix, se plaignent que j’articule
mal ou parle trop vite, pensent qu'ils auraient tout à fait pu dire
ce que je suis payé à dire, en y ajoutant en plus des précisions
sur le prix des crêpes du Vieux Gourou de Compiègne, tout ça tu
vois, pour moi, pas possible.
Non ça va avec Sandra. Je pense qu'on
a jamais été aussi zen tous les deux depuis qu'on a emménagé. Je
te dis pas que je suis à l'abri qu'un jour on se pose la question de
trop. Le truc bien pourri qui m’obligera à retourner chez Papa.
Mais là, dimanche 16 janvier, je déconnerais en te disant qu'on
pense pas avoir un sacré truc à faire ensemble. Je sais pas encore
tout à fait quoi. Pour t'avouer, dans ce domaine, je la laisse un
peu réfléchir pour nous deux, mais je pense pas qu'elle puisse
tomber à côté de mon moi profond. Le moi profond ouais. Marre-toi,
teubé ! Hé.
Allez à tout'
Wow, c'est toujours dimanche ou bien ?
Ex... cusez-moi pardon ! Paaaardon. Excuusez-moi. (putain).
Pardon. Pardon, pardon, pardon. Paaaardon. Désolé, ça va ?
You don't speak french, my pleasure, sorry ! Héhé.
C'est moi ! Devine où je suis
passé... Chez mon fantasme vivant, ouais. La femme aux mains dorées.
Tu me fais une scène, vite fait ? Guignol t'embrasse au fait.
Il commence sa chronique dans huit jours. On a rarement parlé de
choses aussi concrètes, comme si enfin quelque chose se passait dans
nos vies de cassos, c'est super bizarre. Oui, on a parlé de nos
meufs. J'ai dit que j'étais un peu pris au piège avec toi, mais que
c'était un piège que j'échangerais avec personne, surtout pas
Philippe. Gniark.
Je vais me laver les mains. On fait
quoi aujourd'hui ? Pas l'amour, je sais, je parle de choses
essentielles, tu vois : il est treize heures, j'ai pas sommeil
et Dieu sait pourtant que j'ai eu la nuit agitée... T'as l'air
encore plus éveillée que moi, du coup je me dis qu'on a peut-être
un super truc à faire non ? Aujourd'hui, yes ! Un
truc qui nous foute les boules dans vingt quatre heures lorsqu'on
pensera que lundi n'est pas dimanche, qu'il y a encore cinq putains
de jours à tenir avant d'espérer le refaire, mais mieux encore.
Dis-moi tout ! En vivant avec toi, je t'ai aussi donné les clés
de mon temps off, souviens-toi. Un gâteau ? Une forêt
noire ?! Toi et moi ? T'es sûre ? Bah merde...
Sept heures. Lundi youpi ! La
réveille pas, ducon. Mon peignoir... Ah ouais.
Un peu bizarre de vivre ces trucs quand
même. Comme ça, à fond dans le moment. C'est moi où j'ai déjà
la nostalgie de ce dimanche ? Genre il suffit d'un blabla
matinal avec Guignol, un tapis roulant provisoirement light,
une après-midi Top chef avec madame avant soirée nudisme pour avoir
les boules d'être déjà demain. Wow !
Huit heures trente. Ça défile sec.
Logique. Smile mec. Putain. Paardon ! Pardon. Excusez-moi. Lo
siento... Pardon, pardon, pardon, pardon.
Allô Philippe. Tu sais qui c'est ?
Oui, je me disais que ça faisait une paye. Tu deviens quoi ?
Ajaccio ? Depuis quand ? Ah ouais... Non non, c'est juste
que je me suis rendu compte l'autre jour que j'avais ton numéro et
qu'on s'était jamais appelé. J'ai trouvé ça con. Moi, je sors
juste du taf, là. Le même qu'en 2007, le CDI en plus. Hé hé.
Attend deux minutes. Excusez-moi madame.
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